Edit : Ce post a été écrit le 15 décembre, mais je le conservais sans le publier en attendant d'avoir un peu de participation de la part de Nathalie pour que ce blog ne devienne pas le mien uniquement. Mais elle n'a pas du tout de temps, et il s'est passé des choses (Panique sur les marchés, baisses des taux en réaction...) cette semaine qui mettent en lumière ce que j'avais écris, alors voila je publie.

Depuis le mois d'octobre, je vais tous les samedi matins suivre au Cnam un cours assuré par Bruno Cavalier, dont je sais peu de choses sinon qu'il est économiste chez Oddo Securities. D'autre part, il l'a été longtemps pour le Crédit Agricole et est parfois cité dans de sombres journaux comme le Monde ou le Journal du Dimanche. Il tient aussi une chronique économique chaque mercredi sur Bloomberg TV, qu'il n'est pas indispensable de suivre nous a-t-il dit, pour le niveau d'analyse qu'elle comporte supposée relativement faible au regard de ce qu'il nous propose chaque samedi. Faut venir en amphi, quoi.

Ce matin, une question pertinente d'un élève étudiant auditeur, concernant les montant incroyables de liquidités injectées par les banques centrales pour permettre le refinancement des établissements et acteurs financiers qui ont perdu trop de plumes dans la crise des subprimes. La question était celle ci (en gros) :

- Est-ce que ce geste de soutien des banques centrales signifie qu'elles cautionnent les agissements des établissements bancaires qui ont spéculé sur les crédits à risque ?

Réponse de principe :

- Les Banques Centrales n'ont pas pour rôle de punir les acteurs qui se sont mal comportés d'un point de vue moral, ni celui de soutenir ceux qu'elles souhaitent.

Un temps.

- Mais je pense que si les BC pouvaient prédire avec certitude que les établissements bancaires les plus exposés aux subprimes vont couler, et seulement ceux ci, elles en seraient ravies.

On boit du petit lait, là, tant il est rare d'entendre évoqué l'appréciation personnelle d'un banquier central.

Dans les rangs, le même réagit :

- Mais tous les acteurs concernés ont pris des risques !

Rires de l'amphi que je rejoint. Je ne pense pas que tous les acteurs du système méritent de faire faillite. Et on commence à se demander, tiens, si celui qui vient de parler n'a pas l'air de cotiser à la LCR...

- Dans ce cas, il ne reste qu'à souhaiter l'effondrement de tout le système bancaire...

- Précisément !!! dit l'auditeur...

Et là on rigole un peu moins, et je me dis que ce serait bien que ma carte bleue continue à fonctionner quand je m'en sers.


Petit aparte sur l'injection de liquidités :

L'argent distribué n'est pas gratuit.

C'est un prêt sur le marché interbancaire par une banque centrale dans la devise qu'elle émet, proposé aux enchères de taux. La 1ère mise est le taux interbancaire (le taux directeur + 0.5 à peu près, révisé chaque mois).

Ex: La BCE propose d'injecter 100 Millions d'euros au taux 4%.
La banque A demande 30 Millions à 4,2%
La banque B demande 70 Millions à 4,5%
La banque C demande 20 Millions à 5%
La banque D demande 80 Millions à 4,1%

Conséquence :
La banque C obtient 20M
La banque B obtient 70M
La banque A obtient 10 M (ce qu'il reste)
La banque D n'obtient rien

Sachant cela, proposer des montants colossaux, c'est donner la garantie aux banques que quelque soit leur offre de taux, elles auront la somme qu'il leur faut. A noter qu'il s'agit de prêt overnight. Elles peuvent l'investir tout de suite sur le marché et le rendre le lendemain.

Fin du petit aparte sur l'injection de liquidités


Le dialogue n'est pas allé plus loin, mais le thème a l'air passionnant, et B.Cavalier a continué par une digression concernant "l'Aléa Moral. Apparemment plusieurs bouquins ont traité de ce sujet concernant les ingérences des banques centrales, et Ben Bernanke en a fait un discours cette semaine.

On peut donc s'interroger sur l'effet d'un système où l'inconséquence d'un acteur important du marché serait épongée systématiquement par les BC. Cette "protection" peut favoriser les investissements risqués et la réponse des BC priver d'autres besoin/acteurs/pays membres de soutien par ce type de ressources.

On peut s'interroger également sur l'appréciation morale à tenir face au refinancement, quand on sait comment les banques se sont mises en risque.

Cela fait des années (environ 20 ans) que les produits financiers montés sur les subprimes font l'objet d'investissements massifs classés sans risque. Vu le nombre d'analystes qui se sont chargés de les noter, la surprise et l'ampleur de la catastrophe sont telles qu'on s'inquiète aujourd'hui des dérives du système qui a permis de croire autant à ce que pouvait rapporter un crédit accordé à de mauvais payeurs.

Je blâme, mais j'explique.


Petit aparte sur les subprimes :

Prime signifie emprunt, sub-prime sous-emprunt. Le subprime par excellence est au format 2/28, il parait. Cela signifie un emprunt sur 28 ans qui commence dans 2 ans. En général c'est un emprunt à taux variable mais ça compliquerait mon illustration. Typiquement, imaginons Mr & Mrs Smith qui pour acheter leur appart contractent cet emprunt. Deux plus tard au lieu de commencer à payer, ils contractent un emprunt hypothécaire du même type qu'ils renégocient sans problème puisque l'appart a pris bcp de valeur, housing bubble oblige. Ils ne payent toujours pas. Jusque là tout va bien. Mais quand le marché stagne, les constructions se sont arrêtées, et les ventes ne progressent plus, ils ne peuvent plus renégocier l'emprunt, et le logement ne vaut rien, et comme parfois ils ne peuvent pas payer, ils font défaut.

Du côté du préteur, ce qu'ils s'est passé, c'est que le prêt a été titrisé, c'est à dire, que plusieurs personnes ont racheté la créance (RMBS, Residential Mortgage Securities, un type parmi d'autres d'ABS - Asset Backed Securities) parfois par tranches (Par exemple de 10%, chacun couvre les défaut de 0 à 10%, de 10 à 20 etc.. on comprendra que la première tranche est plus risquée, la dernière bcp moins, voire gagne une notation AAA, et sont rémunérés par une part des intérêts à hauteur du risque pris) et quand ça se passe mal, tous ces propriétaires de part de créance perdent leur mise. Curieux que personne n'y ait pensé. Qui blâmer ? Les agences de notation ? Peut être pas. La lecture qu'on fait de leurs chiffres ? Sûrement. Les investissements massifs qui ont amplifié la bulle tout en s'enrichissant ? Peut être aussi. La Fed qui a maintenu ses taux à 1% pendant 2 ans et soutenu la bulle ? Aïe je ne voudrais pas me retrouver en garde à vue demain...

Fin du petit aparte sur les subprimes


En tout cas, je sais qui plaindre. LEs emprunteurs à la rue aux Etats Unis. Et personne n'éponge leurs dettes.

Bientôt sans doute, les BC baisseront leur taux pour aider au refinancement des établissements bancaires qui à mon avis ne le répercuteront pas sur leur taux de crédit parce que faut pas déconner, ils ont de la marge à se faire, et voilà comment on éponge une année difficile, avec la bénédiction du trésorier en chef, à la santé de la "Federal".

J'ai peut être dit des bétises, merci d'avance pour la correction si nécessaire.